L’éducation : le plus grand défi du Brésil ?

Manque de main-d’œuvre qualifiée

Le Brésil connaît une rapide croissance économique, mais se heurte à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. En effet, environ deux entreprises brésiliennes sur trois pensent que la main-d’œuvre formée n’est pas adaptée à leurs besoins. Une étude réalisée en 2011 par Manpower montre que le Brésil se situe en troisième position parmi les pays qui ont le plus de difficultés à embaucher des personnes qualifiées, derrière le Japon et l’Inde. Lorsque la croissance économique du Brésil était faible, il y avait très peu de demande de personnel qualifié. Aujourd’hui, la forte croissance que connaît le Brésil nécessite une main-d’œuvre qualifiée plus élevée. Néanmoins, les formations supérieures n’ont pas suivi cette évolution. Certains secteurs sont plus touchés que d’autres, c’est le cas notamment pour la construction civile. Le Brésil connaît actuellement un développement important dans ce domaine, grâce au projet de construction de logements sociaux, ainsi que la préparation de deux évènements importants : la coupe du monde de Football en 2014 et les Jeux Olympiques en 2016.

De manière générale, les secteurs techniques sont les plus touchés par cette pénurie que ce soit pour les ingénieurs ou les techniciens. Face à ce problème majeur, Dilma Roussef a lancé un programme national d’accès à l’enseignement technique « Promatec ». L’objectif de ce programme est la formation de 3,5 millions personnes d’ici 2014. Une autre possibilité pour résoudre ce problème est le recrutement à l’international de professionnels qualifiés. Or, la politique d’immigration brésilienne est très protectionniste, très peu de visas de travail sont délivrés chaque année. Cette pénurie entraîne une dérégulation du marché du travail. Puisque l’offre de travail est supérieure à la demande, les salaires des travailleurs brésiliens très qualifiés sont très élevés. Les entreprises sont en concurrence pour attirer les salariés hautement qualifiés.

Éducation publique vs éducation privée

Afin d’avoir une vision globale du problème de l’éducation brésilienne, il est important de présenter quelques chiffres représentatifs. En 2009, le Brésil comptait 14 millions de personnes analphabètes, ce qui représentait environ 10% de la population de plus de 14 ans. Le Brésil était situé, en 2007, à la 88ème place au rang mondial du rapport de l’UNESCO sur l’éducation sur 128 pays. Alors qu’il était la 7ème puissance économique mondiale. En 2012, environ 97% des élèves brésiliens entre 7 et 14 ans étaient scolarisés. Cela signifie que les 3% restant, soit environ 1,5 million d’élèves, n’avaient pas accès à l’éducation. L’absentéisme et l’abandon scolaire sont deux problèmes majeurs au Brésil. Sur 100 élèves qui entrent à l’école, 14% terminent l’enseignement secondaire sans interruption et seulement 11% entrent à l’université.

L’enseignement privé primaire et secondaire, de haute qualité est accessible uniquement par la classe aisée, car son coût est très élevé. Il représente environ 13% de l’éducation du Brésil. Le problème d’éducation brésilienne vient donc de l’enseignement primaire et secondaire public. Il y a trois obstacles majeurs : le manque de formation des professeurs et leur faible rémunération, le manque d’infrastructures ainsi que le non suivi des parents dans l’éducation de leurs enfants. Les régions rurales sont les plus touchées par ces problèmes, notamment le Nord et le Nord-Est. Premièrement, moins de 10 % des professeurs qui enseignent dans les zones rurales ont une formation supérieure, alors que cela représente 38% dans les zones urbaines. La faible rémunération des enseignants les contraint à faire plus d’heures de travail ou à avoir un deuxième métier pour pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. À titre indicatif, un professeur dans l’enseignement public primaire ou secondaire gagne environ la moitié du salaire d’un policier et un quart de celui d’un chef de police. Ensuite, un autre problème essentiel est le manque d’infrastructures, notamment de bibliothèques, de laboratoire de sciences et d’informatique. La moitié des écoles publiques ne possèdent pas de bibliothèque, quatre sur cinq n’ont pas de laboratoire de science, et trois sur quatre n’ont pas de salle d’informatique. De plus, l’état des écoles publiques est souvent délabré. Tout cela contribue au désintéressement et à l’abandon des élèves.

Les universités publiques brésiliennes offrent, en revanche, un enseignement de qualité. Il existe un concours d’entrée à l’université appelé le « vestibular ». Cet examen très sélectif reste difficilement accessible pour un étudiant issu de l’enseignement du secondaire public de mauvaise qualité. Les étudiants issus de l’enseignement privé secondaire ont une meilleure préparation pour rejoindre l’université publique. Alors que les étudiants issus de l’enseignement secondaire public seront contraints soit d’abandonner leurs études, soit d’étudier dans des établissements d’enseignement supérieur privé de moindre qualité et avec un coût élevé. « Total paradoxe d’un enseignement secondaire public qui conduit soit à abandonner ses études soit à les poursuivre dans de coûteux établissements privés et de facs gratuites monopolisées par les élèves de milieux favorisés passés par les très chers lycées privés. »

Actions

Le gouvernement brésilien, ainsi que le ministère de l’éducation, ont effectué différentes actions pour essayer d’améliorer le système éducatif. Nous allons présenter quelques exemples concrets réalisés. Tout d’abord le programme « Bolsa Familia » permet aux familles les plus modestes d’avoir un complément de revenu si leurs enfants sont assidus à l’école. En revanche, il n’y a pas beaucoup de contrôle au niveau de l’assiduité. Par ailleurs, le gouvernement de Lula a créé 14 nouvelles universités fédérales et a ouvert 75 000 places dans les universités publiques. De plus, le programme « ProUni » permettra de créer 400 000 bourses dont 100 000 dans le Nord Est du Brésil, une des régions les plus pauvres. Cela permettra à des élèves issus de familles défavorisées d’accéder à l’enseignement supérieur. Une autre mesure du gouvernement est « l’instauration de quotas réservés aux étudiants issus de l’enseignement secondaire public, d’origine modeste et/ou Noirs et Amérindiens ». De manière plus globale, le gouvernement prévoit d’augmenter la part de son budget consacré à l’éducation, de 4,3% du PIB en 2007 à 7% du PIB en 2020.

Le projet lancé en 2006 « Todos pela Educação » par différentes entreprises et politiciens présentent cinq objectifs à atteindre pour le 7 septembre 2022 (date du bicentenaire de l’indépendance du Brésil). Par exemple, d’ici 2022, les personnes âgées entre 7 et 17 devront être scolarisées, tous les enfants âgés de 8 ans devront savoir lire et écrire. Les mesures qui devront être adoptées pour atteindre ces objectifs sont par exemple, la formation des enseignants et l’amélioration de la gestion et de la gouvernance de l’éducation.

Page Facebook d’une élève de 13 ans : Isadora Faber

Une élève de Florianópolis de l’état Santa Catarina au sud du Brésil crée le Buzz avec sa page Facebook. Elle dénonce les problèmes d’infrastructures des écoles publiques brésiliennes. Plus de 300 000 personnes suivent aujourd’hui sa page : « Diários de classe, a verdade » (« Journal de classe, la vérité »). Son objectif est de : « montrer la vérité sur les écoles publiques parce que je souhaite le meilleur non seulement pour moi, mais pour tous ». Isadora Faber s’est inspirée de Martha Payne, jeune écossaise qui dénonçait la nourriture de la cantine de son école. Isadora Faber a voulu créer un blog qui parle de son quotidien au sein d’une école publique et des problèmes qu’elle rencontre. Par exemple, elle prend en photo l’état des fils électriques, le délabrement du terrain de sport, l’état général des salles de cours… Isadora a aussi publié une vidéo d’une partie d’un cours de mathématiques pour montrer que le professeur n’était pas qualifié pour donner le cours. Cette jeune élève brésilienne subit des pressions de la part de ses professeurs qui souhaitent l’inciter à supprimer la page Facebook. Néanmoins, elle peut compter sur le soutien de ses parents et continue son combat pour améliorer l’éducation publique brésilienne.

Son blog a permis de médiatiser les problèmes de l’éducation publique dans le secondaire au Brésil. Quelques améliorations ont déjà été réalisées dans son école, comme le changement de fils électriques, des ventilateurs, de portes… Il s’agit d’une première réussite pour cette jeune brésilienne qui souhaite devenir journaliste.